Ces objets « qui courent vers la mort » : flux d’images numériques, vidéos de surveillance et cultures mobiles
Image utilisée pour le flyer de l’exposition Caméra(Auto)Contrôle
Centre de la Photographie de Genève, 01.06-31.07.2016 © Centre de la Photographie de Genève
Dans l’univers des productions médiatiques et audiovisuelles, il y a des objets qui restent en marge des discours officiels alors qu’ils envahissent l’espace (aussi physique qu’imaginaire) de notre quotidien et occupent une place centrale dans la construction, la définition et l’histoire des sociétés.
Il s’agit de productions dont le régime est par définition non-artistique et non-fictionnel, et dont l’expression est liée pour la plupart à la sphère numérique des flux en ligne, telles les industries de la télésurveillance, les vidéos captées par les webcams ou encore celles issues des différentes formes de la culture mobile.
Ces contenus souvent anonymes (ou mieux : des contenus pour lesquels la question du sujet qui les produit, ou de l’auteur, n’a même pas raison d’être), semblent destinés par une sorte de loi interne et une forme de nécessité quasi-ontologique à la dispersion et à l’oubli : ils produisent des flux d’images résiduelles qui se perdent dans la masse qu’ils génèrent jusqu’à y disparaître, ainsi et en même temps se plaçant en dehors de l’histoire, car ils refusent l’archive et tombent a priori au-delà des préoccupations de conservation ou de patrimoine.
Leur status paradoxal réside aussi dans le tout particulier type de rapport qu’ils instaurent avec le sujet-regardeur, qui endosse toute la responsabilité de leur perte (éventuelle) ainsi que de leur potentielle résurrection, hors de l’état inactif ou latent où ces matériaux existent.
Telles les lettres au rebut que Bartelby, le célèbre scribe imaginé par Herman Melville, manie continuellement et dont il sauve de temps en temps un fragment de phrase ou un mot, ces matériaux se présentent à la réflexion critique comme des « objets qui courent vers la mort », prisonniers de l’ambivalence entre être et non-être.
Comment les appréhender alors en tant qu’objets médiatiques et visuels ? La dimension en négatif qu’ils dessinent, l’état de perte qu’ils instaurent peuvent-ils être pensés aussi (et plutôt) comme une transformation ? À quels autres types d’exercices et de pratiques se prêtent-ils du fait de leur absence de valeur, économique et médiatique, qui en fait des pièces à part de l’histoire filmique ? Les observer ou s’n approprier de façon critique, soit selon une approche visant à « sauver ce qui n’a pas été, plutôt qu’à racheter ce qui a été » (Agamben), permet d’inverser leur charge intrinsèquement liée aux systèmes de pouvoir, au régime de la surveillance et à l’économie capitaliste dont ils sont l’expression et le produit ?
Intervenants
Laurence Allard (Université de Lille ; Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)
Ilkin Mehrabov (Universitè de Lund, Suède) – via Zoom
La séance aura lieu en français et en anglais
Mardi 27 octobre, 18h-20h
Institut national d’histoire de l’art – Galerie Colbert, Salle Giorgio Vasari
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs – 75002 Paris
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