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Programmation – Séances Passées

« Sacrés voyages »

Séance présentée par Federico Lancialonga

Le 3 mai 2022 


Sacrés voyages


Sous la forme d’un triptyque, la projection propose de suivre une trajectoire verticale qui, des profondeurs des enfers, traverse la Méditerranée et nous conduit jusqu’aux astres. Les trois « sacrés voyages » à l’affiche ont comme protagonistes un poète perdu, un héros maudit et deux amoureux interplanétaires.
D’abord une « catabase » : la descente du poète Dante aux enfers dans L’Inferno de la petite maison de production italienne Helios. Le film, réalisé en 1911 par Giuseppe Berardi et Arturo Busnengo, concurrençait la riche production éponyme de la Milano Film. De cette même maison milanaise, vient le deuxième volet de notre voyage : L’Odissea (L’Odyssée) réalisé par Adolfo Padovan, Francesco Bertolini et Giuseppe De Liguoro, qui met en images le « purgatoire » d’Ulysse dans les longues années qui suivent la guerre de Troie. Enfin, nous monterons à bord d’une fusée pour nous élever vers les cieux d’un Mariage interplanétaire dans lequel Enrico Novelli, dit Yambo, s’approprie et réinvente cette mythologie scientifique que Méliès avait inauguré au cinéma avec son Voyage dans la lune en 1902. Les trois films italiens, réalisés entre 1910 et 1911, expriment l’énergie et la jeunesse d’un cinéma capable de réinventer les grands mythes du passé, d’en inventer de nouveaux et d’enfin rendre l’impossible possible.

L’Inferno (L’Enfer) / G. Berardi, A. Busnengo / Helios Film / Italie / 1911 / 15’ / Filmoteca vaticana
L’Odissea (L’Odyssée) / F. Bertolini, A. Padovan, G. De Liguoro / Milano Film / Italie / 1911 / 44’ / Museo Nazionale del Cinema (Turin)
Un matrimonio interplanetario (Un mariage interplanétaire) / Enrico Novelli (Yambo) / Latium Film / Italie / 1910 / 15’ / Museo Nazionale del Cinema (Turin)

Séance composée et présentée par Federico Lancialonga, doctorant ATER en Études cinématographiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Lien vers le site de la Fondation : https://www.fondation-jeromeseydoux-pathe.com/event/251


« La poétique des scènes d’art et d’industrie filmées en Extrême-Orient »

Séance présentée par Jitka de Préval

Le 19 février 2022 

 

Service des voyage

 

Dans les années 1908-1914, la société Pathé frères possède des succursales et des filiales dans le monde entier. Celles d’Extrême-Orient sont installées dans les principaux endroits stratégiques, à Calcutta, Bombay, Singapour, Shanghai, Manille, Batavia, Sydney et Melbourne. Approvisionnées régulièrement en matériel cinématographique, ces bases servent de point d’appui et d’alimentation aux opérateurs Pathé qui sillonnent la région, leur permettant d’y rester de nombreux mois voire plusieurs années. L’Asie du Sud-Est devient alors la zone de prédilection de Camille Legrand et Jean Maingaud, la Chine et la Corée celle de Hans Theyer et Karl Adelhart, Louis Régis Bonvillain reste six mois au Japon avant de rejoindre Léopold Sutto et Henri Hérault en Australie.

La chasse aux images exotiques de ces opérateurs ne se limite pas aux vues pittoresques montrant des paysages, monuments historiques ou mœurs locaux. Leur cahier des charges inclut également des scènes d’art et d’industrie, destinées non seulement à distraire le grand public, mais aussi à montrer le travail des « indigènes » dans les colonies françaises, hollandaises ou britanniques. Si les scènes d’industrie tournées en France passionnent le public d’Extrême-Orient, le catalogue Pathé de cette époque fournit de nombreux films permettant de révéler au public occidental l’ingéniosité des travailleurs de cette région lointaine. Ainsi découvre-t-on les productions de caoutchouc, de fibres de l’abaca ou de papier, l’élevage du ver à soie, l’exploitation du cocotier, l’industrie de la peau de serpent, la pêche dans les eaux du Sud, etc. Filmées avec minutie, ces scènes d’industrie suivent le procédé de fabrication étape par étape prenant soin de tous les détails. Elles présentent avec fraîcheur le savoir-faire ancestral et l’habileté des artisans et ouvriers locaux.

Programme :

Industrie de la peau de serpent à Java, Pathé, 1909 (5min)
Fibres textiles de l’Abaca à Manille, Pathé, 1911 (7min)
Caoutchouc en Malaisie, Pathé, 1911 (12min)
Exploitation du cocotier aux Philippines, Pathé, 1911 (10min)
L’élevage du ver à soie au Cambodge, Pathé, 1912 (7min30)
Industrie de la soie au Japon (version abrégée), Pathé, 1914 (10min)

La séance est présentée par Jitka de Préval et accompagnée par Emmanuel Birnbaum, fondateur de l’École française de Piano.

Lien vers le site de la Fondation : https://www.fondation-jeromeseydoux-pathe.com/event/191


« Le Capitaine Fracasse et l’œuvre muette d’Alberto Cavalcanti »

Séance présentée par Laurent Husson

Le 13 novembre 2021 

 

Le Capitaine Fracasse

 

Déroutante est la filmographie d’Alberto Cavalcanti, cinéaste d’origine brésilienne qui fut, dans la seconde moitié des années 1920, l’un des plus grands espoirs du cinéma d’avant-garde français. Formé aux Beaux-Arts de Genève, Cavalcanti se fait connaître en tant que collaborateur de Marcel L’Herbier, officiant notamment sur les décors remarquablement sophistiqués de L’Inhumaine (1924) et de Feu Mathias Pascal (1925). Sa carrière de réalisateur débute en 1926 avec un pari risqué : celui de l’adaptation du roman Le Train sans yeux de Louis Delluc, projet initié par Julien Duvivier ; un premier film qui reste cependant longtemps invisible pour des problèmes de distribution. La première véritable rencontre de Cavalcanti avec le public a lieu avec son second et plus célèbre film, Rien que les heures (1926), qui l’impose en tant que cinéaste d’avant-garde de premier ordre. Une réputation consolidée par ses deux longs-métrages suivants, En rade et Yvette, sortis en 1927 et qui mettent tous deux en vedette l’actrice Catherine Hessling.

Sorti en exclusivité au cinéma Impérial le 15 février 1929, Le Capitaine Fracasse amorce une rupture radicale dans l’œuvre de Cavalcanti. Adaptation du grand roman de cape et d’épée de Théophile Gautier, le film, co-réalisé avec Henry Wulschleger et dont le rôle principal du baron de Sigognac est incarné par Pierre Blanchar, est une « superproduction » (terme employé par l’équipe du film), qui tranche, par sa dimension populaire et commerciale, avec les précédents films de son auteur. Ce qui semble de prime abord être une parenthèse au sein d’une œuvre profondément avant-gardiste sera en réalité une étape importante dans la carrière de Cavalcanti, qui confirmera deux ans plus tard au journal Comœdia son intention de se détourner des expérimentations visuelles de ses débuts. Un parcours atypique, qui n’est toutefois pas sans rappeler ceux de futurs grands noms du cinéma classique français qui ont, eux aussi, faits leurs premières armes dans le cinéma d’avant-garde : René Clair, Marcel Carné, Claude Autant-Lara ou encore Jean Renoir.

Laurent Husson est président de l’association Kinétraces et doctorant en Études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Ses recherches, dirigées par Laurent Véray, portent sur l’émergence des collections de livres de cinéma dans la France de l’après-guerre (1945-1954). Il a également enseigné l’histoire du cinéma muet français à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis de 2017 à 2021.


« Le spectacle cinématographique coréen »

Séance présentée par Chang Il Kang* et Laurent Husson

Le 16 octobre 2021 

 

Le spectacle cinématographique coréen

 

Geomsa-wa Yeoseonsaeng (Le Procureur et la maîtresse d’école), 1948 (1h)
Réalisation : Yoon Dae-Ryong
Avec : Lee Eob-Dong (Min Jang-Son), Lee Young-Ae (Choi Yang-Chun)
Restauré par l’Archive Nationale de Corée
L’héritage oublié et ignoré des premiers films
« C’est le début de l’arrivée de photographies animées en Corée. Nous regardons des films avec la marque du coq, ce sont des films de Pathé. » (I Kuyŏng, Journal Chosŏnilpo du 23 novembre au 15 décembre 1925.)

Le public coréen a été surpris par l’ultra-réalisme et l’extrême vraisemblance d’une attraction introduite au début du XXe siècle. Il s’agissait de la projection d’images en mouvement à l’aide de la technologie optique qui reproduisait le monde que nous voyons. Chaque soir, plus de mille Coréens venaient acheter un billet de tramway, que l’on appelait alors l’âne de fer. Avec ce nouveau transport, ils traversaient le centre de Séoul en regardant les nouveaux bâtiments des ambassades, des banques, des écoles de langues étrangères. Comme pour répondre aux rumeurs fantasmatiques répandues pendant l’attente du spectacle de projection de photographies animées – « soudain le train sort de l’obscurité ! » – le cinéma est arrivé. Plus de mille entrées par soir, c’était un succès inconcevable. En effet, la population de Séoul comptait alors moins de 240 000 habitants.

Le film est muet ! Mission sonore du bonimenteur coréen : pyŏnsa

Il est un personnage essentiel dans l’histoire des premiers temps du cinéma coréen : le pyŏnsa. Il peut être résumé en la personne qui commentait verbalement le film muet. Sa popularité s’explique par le fait qu’aux premiers temps du cinéma coréen, l’oralité dans les spectacles cinématographiques jouait un très grand rôle. Le film était animé par un agent, le pyŏnsa, et sa voix vivante accompagnait la projection des films.

Deux semaines avec le dernier pyŏnsa

Avec l’avènement des films parlants, le pyŏnsa n’est plus nécessaire dans la salle de cinéma en Corée. Pourtant, il s’efforce de maintenir son spectacle, en particulier, hors de Séoul, à la campagne ou en banlieue. Dans les années 1950 et 1960, le pyŏnsa Sin ch’ul (1928-2015) a maintenu son spectacle de village en village. Dans répertoire trônait le film Le procureur et la maîtresse d’école. KANG Chang Il a pu le rencontrer à Séoul. En préparant une séance du film Le Procureur et la maîtresse d’école dans une ancienne salle de cinéma à la campagne, ce dernier pyŏnsa a transmis à KANG Chang il son expérience.

Accompagnement musical : CHOI Siwoong à l’accordéon.
Boniment : KANG Chang Il
Avec le soutien du Centre culturel coréen.

À l’issue de la séance, signature du livre Les débuts du cinéma en Corée (Éditions Ocrée, 2020).

KANG Chang Il est né à Séoul. Docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts, auteur du livre intitulé Les débuts du cinéma en Corée (Éditions Ocrée, 2020), il est aussi bonimenteur de cinéma coréen. Résidant à Paris, KANG Chang Il a pour objectif d’introduire le cinéma coréen dans les différentes régions de France et faire découvrir l’histoire et la culture de la Corée. Il est aussi acteur, dramaturge et metteur en scène. Il jouera le rôle du bonimenteur pyŏnsa tout au long de la projection, en vous proposant de voir et écouter une reconstitution d’un spectacle cinématographique coréen des premiers temps.

 

La fille de l’eau de Jean Renoir (1924)

Séance présentée par Philippe de Vita 

Le 25 septembre 2021 


La fille de l'eau

 

Réalisateur : Jean Renoir
Scénariste : Pierre Lestringuez
Photographie : Jean Bachelet, Alphonse Gibory
Décorateur : Jean Renoir
Société de production : Les Films Jean Renoir

Interprètes : Catherine Hessling (Gudule), Pierre Philippe (oncle Jeff) (oncle Jeff Rosaert), Pierre Champagne (Justin Crépoix), Maurice Touzé (la Fouine), Georges Térof (Monsieur Raynal), Madame Fockenberghe (Madame Raynal)

Gudule, une jeune orpheline exposée à la haine des villageois, vit sur une péniche où elle est martyrisée par son oncle Jeff. Elle s’enfuit.

Voir La Fille de l’eau (1925) permet d’observer les débuts de Jean Renoir, le futur cinéaste de La Grande Illusion et La Règle du jeu. À cette époque il hésite encore entre une vocation pleinement artistique et une volonté de simple producteur. Il se cherche encore. Lui qui affirmera après coup n’avoir, comme spectateur, aimé alors que le cinéma anglo-saxon, de Stroheim à Chaplin, le voilà qui, dans La Fille de l’eau, se laisse tenter par des expérimentations formalistes que ne renierait pas le cinéma français impressionniste de l’époque. En filmant les champs, les bords de l’eau et son épouse Catherine Hessling qui n’est autre que le dernier modèle de Pierre-Auguste, Jean Renoir semble suivre les traces de son père, mais il ne cesse de se demander simultanément comment il peut, dans un dialogue fructueux, s’en démarquer et trouver sa voie grâce à la spécificité du cinéma.

Dans ce film, on suit les malheurs de Gudule, fille d’un marinier mort en se noyant. Elle se retrouve seule avec son oncle qui veut abuser d’elle. Persécutée, elle se réfugie dans une forêt où elle fait un rêve.

Renoir déclara dans ses mémoires : « La Fille de l’eau était une histoire sans importance littéraire. Lestringuez et moi avions écrit ce scénario pour mettre en valeur les qualités plastiques de Catherine Hessling. La magie de la forêt de Fontainebleau nous y aidait. L’intrigue était au second plan de nos préoccupations. Elle n’était qu’un prétexte à des plans présentant une valeur purement visuelle ». Cela est perceptible notamment dans cette scène de rêve mémorable qui a pu plaire aux surréalistes. Renoir aime alors les trucages qui ne sont qu’une forme de l’artifice dont il aura toujours le goût. Ce n’est que quand le cinéma pourra enregistrer le son qu’il orientera sa création vers davantage de réalisme social. La Fille de l’eau arbore les traits d’un mélodrame, et non pas d’une satire.

DCP / Restauration 4K par Studiocanal, avec le soutien du CNC. Ressortie par Tamasa Distribution en 2019.

La séance est suivie d’une signature de son ouvrage Dictionnaire Jean Renoir, du cinéaste à l’écrivain (Honoré Champion, 2020).

Philippe De Vita est docteur en langue et littérature françaises et chercheur associé au laboratoire POLEN de l’Université d’Orléans. Ses recherches portent sur les rapports entre cinéma et littérature. Il est l’auteur du Dictionnaire Jean Renoir. Du cinéaste à l’écrivain (Ed. Honoré Champion, Paris, septembre 2020) dont une séance de signature sera organisée 27 mars 2021, à l’issue de la projection de La Fille de l’eau, au Studio de la Fondation Jérôme Seydoux – Pathé.